Un groupe de discussion communautaire du programme RHV au Népal : une participante explique son point de vue. Photo : Oxfam Faire entendre sa voix Le pouvoir de persuasion Ou comment la participation et l'influence des femmes renforcent la gouvernance et mettent à mal les inégalités. INTRODUCTION Entre 2008 et 2013, le programme d'Oxfam « Raising Her Voice » (faire entendre sa voix), ou RHV, a œuvré en faveur de systèmes de gouvernance plus efficaces en faisant en sorte que l'opinion des femmes influe sur les décisions relatives aux services, aux investissements, aux politiques et aux cadres légaux, tant au niveau communautaire qu'aux niveaux régional et national. À ce jour, plus d'un million de femmes marginalisées dans 17 pays ont bénéficié d'un activisme accru, lui-même donnant lieu à une augmentation de leur capacité à participer au débat et à influencer les décisions ; un engagement plus efficace avec des décideurs ciblés et une plus grande reddition de compte au niveau institutionnel. L’impact du programme est varié et saisissant à la fois en termes d’échelle et d’ampleur. Ensemble, 45 partenaires locaux, 141 groupes de militants communautaires et 1005 membres de coalitions ont contribué à l'élaboration de dix nouvelles lois visant à prévenir la violence basée sur le sexe et à protéger les personnes vulnérables. Ils ont également aidé à l'adoption de neuf lois pour la promotion mondiale d'un éventail de droits des femmes plus large. Citons notamment les nouvelles législations contre la violence domestique et sexuelle en Ouganda, au Nigeria, au Mozambique et au Pakistan, ainsi qu'une loi visant à prévenir la violence politique contre les femmes candidates et électrices en Bolivie. Les projets RHV ont soutenu des dizaines de milliers de militantes et de dirigeantes plaidant en faveur d'une meilleure utilisation des dépenses publiques et de meilleurs services locaux. Prenons par exemple le co-financement du gouvernement local de projets d'infrastructure communautaires dans trois régions rurales d'Albanie et du Pakistan où 70 % des dirigeantes soutenues par RHV ont sécurisé l'investissement au niveau du district pour des projets de développement dans leurs communautés. Les partenaires RHV ont essentiellement cherché à comprendre comment fonctionne le pouvoir, sur quoi il repose et comment l'influencer. Ils ont eu recours à une série de stratégies pour changer « les règles du jeu » qui excluent les femmes. « Notre engagement dans la sphère politique a eu pour effet d'influencer des juges à citer le Protocole relatif aux droits de la femme en Afrique dans leurs décisions ; le ministère à prendre parti pour un projet de loi contre les violences faites aux femmes ; et des parlementaires à comprendre le Protocole et à s'y référer d'une manière plus informée et ouverte. Par la suite, cela a permis au projet ainsi qu'aux organisations de défense des droits de la femme en Tanzanie de prendre part au processus de révision constitutionnelle dans une atmosphère solidaire et ouverte. »1 Des attitudes qui évoluent et un environnement plus solidaire pour mettre à mal les inégalités Plus d'argent public, mieux dépensé et des services locaux améliorés Participation et influence des femmes Plus de transparence et une meilleure reddition de compte Ces accomplissements sont d'autant plus remarquables que le programme dispose de fonds limités. Le financement total divisé entre les 17 pays du projet2 s'élève en moyenne à un peu plus de 50 000 livres sterling par projet et par an, bien que notre analyse montre que les projets RHV les plus efficaces ont été financés à hauteur de 120 000 livres par an. Ce résumé s'appuie sur des résultats issus de l'évaluation finale indépendante de 20133 du programme RHV, et du rapport final d'Oxfam4. Il s'appuie également sur les débats actuels autour des moyens efficaces de parvenir au changement en matière de leadership politique des femmes. Il offre un aperçu de la pléthore d'accomplissements et d'impacts, et partage les faits saillants de notre apprentissage relatif aux principes et stratégies essentiels pour soutenir un travail de gouvernance efficace par rapport aux coûts et menant au changement.5 tenant compte du fait les partenaires RHV contrôlent uniquement une partie d'un tout bien plus grand, plus complexe et à plus long terme. » Dans la plupart des pays, les accomplissements du programme reposent aussi sur les bases solides jetées par un militantisme personnel et collectif. Cela nous rappelle que les projets futurs cherchant à renforcer les processus et institutions liés aux prises de décision devront faire figure de tremplin vers un processus de changement à plus long terme. Malgré le financement mondial du programme RHV se terminant formellement en mars 2013, les militantes et coalitions communautaires qu'il soutenait dans de nombreux pays demeurent actives et se portent bien, ce qui constitue un grand pas vers le changement futur. Le programme RHV suit son cours ; à travers le programme d'Oxfam intitulé « Amal » (espoir) en Afrique du Nord et au Moyen Orient ; le développement de nouveaux programmes régionaux en Afrique de Sud et en Asie, et le soutien continu des projets RHV en place au Honduras, au Népal, au Pakistan et en Ouganda. ÉGALITÉ ET GOUVERNANCE EFFICACE VIA LE LEADERSHIP DES FEMMES Dans les 17 pays recevant les projets (tous conçus pour répondre à des contextes très différents), le programme RHV a apporté son soutien à une grande diversité de stratégies visant à sortir les femmes de la pauvreté et de l'isolement. De par le monde, l'expérience et l'apprentissage issus du programme RHV montrent que lorsque les structures de gouvernance incluent davantage les femmes (et que ces femmes sont mieux préparées et mieux connectées), l'on voit surgir des avantages pratiques et stratégiques, pas seulement pour les femmes, mais pour toute la communauté. AVANCER PAS À PAS... L'une des remarques les plus importantes de l'évaluation externe à propos de l'efficacité du programme rappelle de façon importante que : « étant donné que la participation et l'influence des femmes augmenteront sur le long terme, et que les barrières et les défis sont profondément ancrés, le travail doit être envisagé sur le long terme et de façon collaborative... Il faut concevoir des stratégies véritablement efficaces en PREUVES : CINQ RAISONS DE MULTIPLIER LES EFFORTS POUR INCLURE LES FEMMES 1. Plus d'argent public mieux dépensé et des services locaux améliorés Au Népal, quelque 89 000 personnes ont bénéficié d'un financement supplémentaire de 42 524 livres sterling6, parce que dans les villages où RHV travaillait avec des dirigeantes, une part incroyable de 42 % d'entre elles sont parvenues à influencer le village et les comités de développement des districts, comparé à seulement 2 % dans les villages où le programme n'était pas présent. Les projets RHV se sont également attaqués à la marginalisation des femmes au sein de leurs propres communautés et organisations, afin de garantir que le militantisme politique local et les coalitions nationales sont les plus inclusives et les plus représentatives possible. Au Pakistan par exemple, le projet RHV a décidé de travailler avec 30 groupes de femmes leaders afin de créer des relations visant à rassembler les 1500 membres et les milliers de membres moins instruites ou moins bien connectées des comités d'action citoyens locaux. De cette façon, les femmes leaders et les militantes de la communauté ont pu faire part des expériences et des questions des Pakistanaises ayant le moins de visibilité directement aux décideurs locaux, régionaux et nationaux. M. Mohan Lamsal, secrétaire du comité de développement du village, Népal. 2. Plus de femmes dans les espaces décisionnels : transparence accrue et reddition de compte améliorée Une plus grande représentation des femmes, au niveau individuel ou en tant que membre de coalitions, contribue à lutter contre la discrimination, l'inégalité et l'injustice à tous les niveaux de la société. À la fin du projet en Papouasie, en Indonésie en 2011, les réunions de planification de développement du village avaient non seulement lieu en public, mais la moitié des participants était des femmes. Il y a cinq ans, seuls les hommes pouvaient y prendre part. Au Honduras, l'expérience témoigne des effets positifs de la participation des femmes à de tels forums : « Le comité d'audit des femmes sur la transparence budgétaire et les dépenses publiques a gagné la confiance des hommes petit à petit. Ils ont constaté que les femmes, malgré un niveau d'alphabétisation limité, posaient des questions pertinentes sur le budget et suivaient l'argent de très près. Les femmes gagnaient véritablement du pouvoir et de l'influence. »7 4. Changer les règles du jeu : faire tomber les barrières structurelles de l'égalité hommesfemmes Créer des conditions égales pour toute et tous, en modifiant les politiques, les lois et les pratiques, s'est avéré plus concluant là où les projets RHV ont réalisé un travail de plaidoyer à la fois aux niveaux local et national. Les projets RHV ont profilé de nouveaux modèles de coopération entre les citoyens et les états, en créant davantage d'opportunités pour l'intégration des femmes et des autres minorités dans le processus décisionnel. Au Chili, le partenaire de RHV, Corporación Humanas, a enregistré une augmentation de 20 % dans le soutien aux quotas de femmes parmi les sénateurs suite à la pression de long terme exercée en faveur d'une plus grande représentation des femmes. En Arménie, l'évaluation a remarqué qu'« un effet très important du projet réside dans le nouveau modèle de coopération entre les femmes et le gouvernement local, et par conséquent les différents moyens formels et informels d'intégrer les femmes dans le processus décisionnel au niveau communautaire. » 3. Ensemble, les femmes peuvent accomplir de grandes choses et il est plus difficile de les ignorer Vingt ans de recherche dans 70 pays confirment que la meilleure stratégie pour combattre la violence faite aux femmes repose sur le pouvoir d'un mouvement féministe fort8. Le projet RHV a beaucoup investi dans la croissance et le renforcement de l'action collective des femmes à tous les niveaux ; souvent en se confrontant à des barrières politiques, sociales et ethniques profondément établies. Nos partenaires ont créé et soutenu 141 groupes de militants communautaires ainsi que la coordination de 1005 membres de coalitions diverses. Au Chili par exemple, un réseau de femmes issues de partis divers a mis un terme à l'isolement des candidates. 5. Les bénéfices de la lutte contre la violence faite aux femmes et aux filles et la violence basée sur le sexe La violence basée sur le sexe et la violence faite aux femmes et aux filles est responsable de plus de décès et de blessures dans le monde parmi les femmes âgées de 15 à 44 ans que le cancer, le paludisme, les accidents de la route et les guerres réunis11. La violence (et la peur de la violence) est une barrière de taille à la participation des femmes dans les espaces décisionnels12. De même, les dirigeantes et les militantes s'exposent à la violence de ceux qui s'inquiètent des efforts des femmes à remettre en cause le statu quo. « La campagne "Más Mujeres al Poder" 9 nous a permis de travailler ensemble sur les grandes problématiques et avec une grande générosité. La plupart d'entre nous ne venait pas du même parti ou de la même région. »10 La confiance en soi et la conscience de soi : des précurseurs appellent au respect. Liberia. Photo : Oxfam À eux seuls, les partenaires et coalitions RHV ont contribué à une diversité d'activités visant à lutter contre la violence faite aux femmes et aux filles, au niveau communautaire et national à la fois. En plus d'avoir concouru à l'adoption de dix nouvelles lois contre la violence faite aux femmes et aux filles et d'avoir participé à sept projets de lois, le programme RHV a contribué à ce que la tradition des crimes d'honneur soit bannie par les chefs traditionnels d'un village au Pakistan. Par ailleurs, le féminicide est désormais considéré comme un crime au Honduras, en Bolivie et au Chili, et des tribunaux de la violence faite aux femmes et aux filles ont vu le jour en Bolivie dans le cadre de la nouvelle loi relative au corps juridictionnel. Les activités d'autonomisation PERSONNELLE sont la pierre angulaire de tous les processus de changement car elles reconnaissent l'importance de la connaissance et de la confiance des femmes en leur capacité d'influencer les relations de pouvoirs et les décisions. • Pour que la participation et le leadership des femmes soit significatifs, il faut investir pour « renforcer » la confiance politique et de la capacité d'influence des militantes, notamment via une cartographie du pouvoir, des audits sociaux et du mentorat, tout en augmentant le nombre de femmes dans les espaces décisionnels. « Nous avons besoin d'une éducation politique. À défaut, même si l'on réussit à entamer le dialogue, dès que nous serons confrontées à des sujets tels que les budgets municipaux, ce sera comme sauter d'un avion sans parachute. S'ils parlent d'infrastructures, je dois m'y connaître en infrastructures. S'ils parlent de droits territoriaux, je dois m'y connaître en droits territoriaux. » Bertha Zapeta, RHV Guatemala ENSEIGNEMENTS TIRÉS : GUIDE POUR LES PRATICIENS DE LA GOUVERNANCE ET DE L'ÉGALITÉ HOMMES-FEMMES Le modèle de la théorie du changement de Raising Her Voice comme point de départ Selon le modèle de la théorie du changement RHV (voir page 7), il y a trois grandes sphères influençant les opportunités des femmes à participer aux espaces et processus décisionnels : les sphères personnelle, sociale et politique. Ce modèle cherche à définir la complexité et l'« interconnectivité de tous les éléments » présents dans la vie des femmes. Il a servi à de nombreux partenaires et membres du personnel RHV pour l'évaluation et le développement de projets en « fournissant une approche simple au processus complexe » qu’est la façon dont survient le changement dans la vie des femmes. L'évaluation a confirmé que les projets RHV ont été les plus efficaces là où toutes les sphères ont été clairement prises en compte - le plus souvent en partenariat - et un travail complémentaire a été réalisé afin de faire pression pour un changement aux niveau local, du district, national et international. • Ce noyau de militantes et de dirigeantes a besoin d'un soutien durable afin d'être efficaces dans leurs rôles de leaders, d'agents du changement et de modèles. Une approche dispersée consistant en des interventions ponctuelles et ciblant un grand nombre de femmes ne donnera pas lieu à un impact durable. • Il faut prêter une attention explicite au développement d'une diversité de stratégies visant à réduire les risques de violence à l’égard des femmes et à leur fournir protection et soutien ; pas seulement parce que la menace de la violence a un impact négatif sur la participation des femmes, mais parce que les programmes de gouvernance réussis, lesquels remettent en cause le statu quo, peuvent provoquer des réactions négatives. Dans la sphère SOCIALE, « les changements, en particulier en ce qui concerne le travail en réseau et la solidarité, sont essentiels pour permettre des changements plus importants dans les deux autres sphères »13. • S'assurer le concours des personnes de pouvoir en établissant des relations constructives dès le début avec des dirigeants ayant une influence sur l'opinion a été une étape cruciale pour soutenir ces processus de changement de grande envergure. Le projet RHV au Népal a récompensé des hommes représentants de ses activités en invitant la presse à couvrir des visites et des preuves de soutien d'initiatives communautaires en faveur des femmes. Au Nigeria, des personnalités influentes des médias ont été sollicitées pour participer à un comité de pilotage d'un projet et ont endossé le rôle de partenaires de campagne principaux. Des partenariats plus politiques et médiatiques ont permis d'encourager des faiseurs d'opinion à combattre les stéréotypes liés au sexe et à promouvoir des opinions positives et diverses sur les problématiques de l'égalité hommes-femmes. Des changements dans la sphère POLITIQUE - dans les cadres légaux, les structures de pouvoir et l'accessibilité de l'espace décisionnel - sont essentiels pour parvenir à une plus grande participation et accroître le pouvoir d'influence des femmes. Cependant, les progrès sont lents et multidimensionnels. • L'action et l'opinion collectives sont un élément essentiel pour la sécurité des femmes, pour qu'elles n'aient aucune retenue à participer et pour qu'elles soient prises au sérieux par les personnes au pouvoir. L'évaluation RHV a démontré que certains des impacts les plus forts et les plus durables étaient issus de projets ayant significativement contribué au renforcement, à la collaboration et à l'organisation de la société civile travaillant avec les femmes. « Ce fut très difficile de reconnaître la place de chacune et de mettre de côté ses préjugés. Les femmes ne se font pas nécessairement confiance et il faut donc tisser des liens pour appuyer les revendications de toutes les femmes, sans faire preuve de discrimination. » RHV Bolivie • On obtient davantage de résultats en construisant des alliances créatives et élargies, qui, bien que chronophages, sont essentielles au renforcement de l'action collective nécessaire pour faire bouger les barrières structurelles et comportementales d'une gouvernance efficace. En Afrique du Sud, une attention particulière au développement d'une approche multisectorielle à la façon dont les femmes sont confrontées au VIH et au sida, à la violence faite aux femmes et aux filles, ainsi qu'à la pauvreté, a changé les méthodes de travail du partenaire RHV, POWA, et de membres de coalitions dont la plupart disposent de peu d'expérience pour s'attaquer à l'interconnectivité de ces problématiques dans leur grande complexité. • Le pouvoir du plaidoyer fondé sur des données probantes est clairement établi grâce à l'expérience de nombreux pays où un projet RHV est mis en place et ayant eu recours à des audits sociaux pour prouver le sous investissement dans les services locaux, ou leur faible qualité, et pour localiser la (non) conformité aux droits des femmes. Des exemples comprennent l'analyse du manifeste d'un parti politique axée sur la mutilation génitale féminine en Gambie et les audits de neuf centres de santé et trois hôpitaux au Guatemala. Au Chili, des travaux de recherches publics annuels ont servi à façonner des campagnes influentes sur la participation des femmes, avec à la fois une légitimité politique et un niveau de soutien du public très élevé et ce, pour que « les femmes de milieu urbain comme rural fassent entendre leurs voix grâce au soutien d'une autorité académique »14. Projet RHV au Népal, Tika Darlarmi ne cache plus son visage et a le pouvoir de persuader lorsqu'il s'agit de défendre les besoins de sa communauté. Photo : Aubrey Wade • Connecter le militantisme local et les appels régionaux et nationaux au changement afin de combler le vide au centre des processus de gouvernance. Au Pakistan, des groupes de femmes leaders ont travaillé au niveau de la communauté, du district et du pays afin de faire entendre la voix imperceptible des femmes de façon directe et stratégique auprès des personnes détenant le pouvoir de décision. Les stratégies comprenaient notamment le premier Manifeste national des femmes, développé en 2012 via une large consultation. L'objectif du manifeste était de fournir aux partis politiques une liste de revendications sans réserve pour des règles plus justes en ce qui concerne l'engagement politique des femmes. Il comprenait un appel à des élections déclarées nulles et non avenues dans les circonscriptions comptant moins de 10 % d'électrices. À l'approche des élections de mai 2013, dans les régions de KP et FATA où les membres du parti ANP avaient visiblement empêché les femmes de voter, le groupe de femmes leaders et le Comité d'action citoyen a soulevé le problème auprès des dirigeants du parti, lesquels ont par la suite pris des mesures contre les membres et leaders du parti ayant empêché les femmes d'utiliser leur vote prépondérant. »15 loi contre la violence domestique ou nous ne voterons pas pour vous ! » afin de parvenir à une réforme légale face à l'impunité continue qui sévit en matière de violation des droits. De nombreux projets s'adressaient directement à des partis politiques, étant donné que ces derniers représentent des espaces critiques pour le travail d'influence à long terme. En Afrique du Sud et au Honduras, les réseaux de femmes RHV ont signé des accords avec des conseillers récemment élus afin de garantir que les représentants respectent une liste claire d'engagements fondés sur les problématiques prioritaires. Les partenaires et militantes RHV ont également profité des processus de décentralisation et de révision constitutionnelle, et utilisé les litiges d'intérêt public pour ouvrir plus d'espaces dédiés à faire progresser les droits des femmes. TIRER PARTI DE NOTRE SUCCÈS Le programme RHV est fondamentalement un programme politique. Cependant... L'omission de la sphère économique de la théorie du changement de RHV fut un choix délibéré afin de compléter l'approche traditionnelle d'Oxfam en matière d'autonomisation des femmes axée sur les moyens de subsistance et les systèmes de marchés. L'expérience RHV confirme que les sphères politiques et économiques se renforcent mutuellement et ne sont pas exclusives. En soutenant le renforcement de la confiance des femmes ainsi que de leurs compétences, leur participation et leur influence, les projets RHV ont aidé à débloquer des bénéfices économiques considérables pour les femmes marginalisées. • S'impliquer ouvertement dans la politique – Les partenaires RHV ont fait preuve d'une plus grande compréhension au cours des cinq années du mode de fonctionnement du pouvoir et de comment l'influencer. Au Nigeria, des activités de plaidoyer en faveur de l'adoption du projet de loi de 2013 sur la prohibition de la violence contre les personnes et dirigé par le partenaire RHV WRAPA, comprenaient le recrutement d'une ancienne législatrice afin de naviguer dans les couloirs du pouvoir, le recours à un déferlement de messages à l'attention des ministres et à de faux tribunaux dont on a beaucoup parlé. Des campagnes précédant des élections au Nigeria, au Mozambique et au Pakistan avaient pour slogan « Votez en faveur du projet de RHV en Bolivie, des femmes indigènes et urbaines appellent d'une seule voix à changer les règles de l'engagement politique. Photo : Oxfam La théorie du changement de Raising Her Voice SPHÈRE POLITIQUE (lois, structures gouvernementales traditionnelles et locales, participation politique des femmes) SPHÈRE PERSONNELLE (identité indépendante, compétences et confiance, connaissance des droits) LES FEMMES FONT ENTENDRE LEUR VOIX SPHÈRE SOCIALE (les femmes s'organisent entre elles. Également, représentation médiatique, perceptions du public) SPHÈRE ÉCONOMIQUE (impact des responsabilités familiales, dépendance/indépendance économique sur la participation et l'action collective) Bhimisa, la fille de Tika Darlami (elle-même membre du groupe de discussion communautaire du projet RHV au Népal), s'entraîne à lire avant d'aller à l'école. Tika est membre du comité de direction de l'école et une grande défenseure de l'égalité des chances pour les filles et les garçons. Photo : Aubrey Wade « Le groupe de discussion communautaire m'a donné de l'ambition et de la confiance et a développé mes capacités, ce qui m'a permis de gagner le respect et la confiance de la société. Et cela n'a pas de prix. » Une membre du groupe de discussion communautaire au Népal. L'évaluation a également révélé que l'attention particulière consacrée aux mondes personnel, social et politique des femmes « était très appréciée par de nombreux membres du personnel et des partenaires RHV », par exemple en Ouganda, où les activités pour l'égalité hommes-femmes d'Oxfam y ont également eu recours « pour développer le projet de lutte contre la violence faite aux femmes et aux filles et influencer son incorporation dans notre programme de droits sociaux ». Les responsabilités familiales des femmes et le manque d'autonomie financière ont un impact considérable sur leur capacité à participer durablement aux activités de projet, et sur leur capacité à occuper des postes de leaders communautaires ou politiques. Pour les groupes locaux comme pour les coalitions nationales, les coûts induits des réunions, des activités et du soutien à la participation des femmes ont également un impact de taille sur probabilité que ces espaces continueront de fonctionner après la fin du financement. SUIVI ET ÉVALUATION DE LA PARTICIPATION, DE LA CAPACITÉ À FAIRE ENTENDRE SA VOIX ET À INFLUENCER Parce qu'un programme tel que RHV est axé sur une transformation sociale à long terme et ses processus collaboratifs, rassembler les preuves des impacts positifs est d'une grande complexité. Pour cette raison, comprendre, articuler, suivre et documenter les changements que nous avons soutenus dans 17 pays s'est avéré très difficile à faire de façon systématique. Le modèle reposant sur les trois sphères, bien qu'introduit à mi-chemin dans le programme, nous a énormément aidés à surmonter le manque initial de compréhension générale de la façon dont survient le changement. En dépit des difficultés, les évaluations de plusieurs pays ont révélé des façons créatives de comprendre et de démontrer les impacts et les contributions particulières aux changements recherchés. Par exemple, l'évaluation de RHV au Népal a eu recours à un groupe témoin pour montrer l'échelle des changements dans les capacités, la confiance et le soutien de la communauté dans les villages RHV comparé à des villages n'ayant pas reçu le projet. Des partenaires RHV au Guatemala ont développé des rapports formels de reddition de compte pour les femmes travaillant avec et pour les autorités locales, afin de façonner le type de transparence qu'elles-mêmes exigeaient. « Travailler pour les intérêts des femmes, c'est faire deux pas en avant, et au moins un pas en arrière. Et très souvent, ce pas en arrière est preuve de votre efficacité. Il représente la menace que vous êtes pour la structure du pouvoir, et sa volonté de vous faire reculer. » Sheela Patel, SPARC16 Le rapport d'évaluation RHV présente des réflexions utiles sur le suivi des futurs projets de gouvernance - y compris sur l'importance de consacrer suffisamment de temps au développement de cadres individuels et collectifs qui trouvent des méthodes spécifiques à un contexte pour identifier et articuler les changements recherchés. Les conclusions ont servi à formuler les recommandations suivantes pour les futurs programmes de gouvernance et d'égalité hommes-femmes : Recommandations • Les systèmes et processus utilisés pour la conception, la gestion et la mise en œuvre des services, de l'investissement local et national, et des cadres politiques et légaux, ne seront pas véritablement efficaces tant que l'opinion des femmes ne fera pas entièrement partie du mode de décision ; • Les projets RHV ont été les plus concluants lorsqu'ils se sont intéressés aux trois sphères (personnelle, sociale et politique) et lorsque des activités complémentaires et coordonnées avaient lieu aux niveaux local, national et international. Les futurs programmes devront également être plus clairs quant à la relation des sphères personnelle, sociale et politique avec la sphère économique ; • Tout investissement futur dans les programmes d'autonomisation des femmes devra soutenir de façon explicite le changement dans la sphère personnelle. Comme le montre l'expérience RHV, cela ne requiert pas de grands investissements. Les partenaires et les coalitions ont démontré comment obtenir des bénéfices immédiats et stratégiques à long terme pour les femmes avec des niveaux relativement faibles d'investissement ; Au niveau mondial, l'équipe RHV s'était engagée à fournir les informations concernant l'apprentissage relatif aux processus • Les futurs programmes devront également considérer et aux stratégies utilisés par les militantes, les partenaires et l'importance cruciale des organisations, coalitions et réseaux les coalitions RHV pour soutenir la capacité des femmes à de femmes pour entretenir, protéger et soutenir le militantisme influencer les décisions qui concernent leur quotidien. Des individuel, ainsi que leur potentiel puissant et catalyseur de études de cas, des rapports thématiques et des blogs et vidéos demander aux personnes au pouvoir de rendre des comptes. des femmes impliquées sont disponibles en ligne sur le site de Cela s'avère particulièrement urgent dans un contexte où le la communauté RHV : www.raisinghervoice.ning.com. financement d'organisations de femmes est en déclin et de moins en moins politisé, et dans lequel le fondamentalisme religieux et les crises économiques sont déjà en train d'éroder L'HÉRITAGE DU PROGRAMME les droits et la liberté des femmes ; « RAISING HER VOICE » Les évaluations externes et les révisions internes ont créé une myriade d'analyses des stratégies et processus utilisés pour soutenir une participation politique, un leadership et une influence plus efficaces. • Un changement de la capacité des femmes à participer aux décisions qui les concernent, ou à les influencer ou les diriger, prend du temps. Les projets financés doivent être conçus comme des tremplins pour parvenir à un processus de changement bien pensé et durable. NOTES DE FIN 1. Rapport d'exécution 2013 du projet RHV en Tanzanie (en anglais)* 2. Albanie, Arménie, Bolivie, Chili, Guatemala, Honduras, Indonésie (Aceh), Indonésie (Papouasie), Liberia, Mozambique, Népal, Nigeria, Pakistan, Afrique du Sud, Tanzanie, Gambie et Ouganda. Plus 2 programmes régionaux : Mercosur (en Uruguay) et Panafricain (au Kenya) 3. http://bit.ly/19WgoFC 4. http://bit.ly/1aQYTF1 5. Pour en savoir plus sur le programme, l'évaluation complète et les études de cas par pays - ou pour consulter de nombreux blogues et vidéos des femmes participants, rendez-vous sur le site de la communauté RHV : www.raisinghervoice.ning.com 6. En tenant compte du revenu minimum pour les ouvriers non qualifiés de 39,11 £ par mois. Country Reports on Human Rights Practices, Département d’État des États-Unis, 2012, http://www.state.gov/j/drl/rls/hrrpt/2012/sca/204407.htm 7. RHV au Honduras. Pour accéder aux études de cas, rendez-vous sur http://www.oxfamblogs.org/fp2p/?p=9962 8. S. Laurel Weldon & Mala Htun (2013) http://dx.doi.org/10.1080/13552074.2013.802158 9. http://www.humanas 10. Évaluation finale du rapport sur l'efficacité 2013 de RHV au Chili (en anglais) 11. Banque mondiale. Rapport sur le développement dans le monde : Investir dans la santé http://files.dcp2.org/pdf/WorldDevelopmentReport1993.pdf 12. Rapport RHV (en anglais) : Strengthening governance programming through tackling VAWG, learning from RHV experience sur http://bit.ly/19isxWI 13. Rapport d'évaluation finale RHV, 2013 (en anglais) * http://bit.ly/19WgoFC 14. Rapport d'exécution du projet RHV en Bolivie * 15. Rapport d'évaluation finale RHV au Pakistan, 2013* 16. The Society for the Promotion of Area Resource Centres http://www.sparcindia.org/index.aspx, pas partenaire RHV mais une source de référence intéressante *Pour obtenir des copies de l'évaluation et pour en savoir plus sur le travail de Raising Her Voice, veuillez contacter Emily Brown, coordinatrice RHV : embrown@oxfam.org.uk. © Oxfam GB novembre 2013. Ce document est protégé par droits d'auteur, mais peut être utilisé librement à des fins de campagne, d'éducation et de recherche moyennant mention complète de la source. Le titulaire du droit d'auteur requiert que toute utilisation de la sorte lui soit signalée dans l'objectif de procéder à des études d'impact. Une permission doit être obtenue pour toute copie dans tous les autres cas ou pour la réutilisation dans d'autres publications, la traduction ou l'adaptation du texte, et des frais en découleront. Courriel policyandpractice@oxfam.org.uk. Les informations contenues dans ce document étaient correctes au moment de la mise sous presse. Publié par Oxfam GB, sous l'ISBN 978-1-78077-527-2 en novembre 2013. Oxfam GB, Oxfam House, John Smith Drive, Cowley, Oxford, OX4 2JY, Royaume-Uni. Oxfam GB est membre d'Oxfam International. Oxfam est une confédération internationale de 17 organisations qui, dans le cadre d'un mouvement mondial pour le changement, travaillent en réseau dans 94 pays à la construction d'un avenir libéré de l'injustice qu'est la pauvreté.