Document d’information d’Oxfam 157 - Résumé 19 Janvier 2012 Les laissés-pour-compte du G20 ? Comment l’inégalité et la dégradation de l’environnement menacent d’exclure les pauvres des avantages de la croissance économique www.oxfam.org Dans le monde entier, des familles pauvres vivent aux côtés de leur bétail dans des environnements extrêmement insalubres, à quelques mêtres à peine des signes étincelants de la richesse et du progrès. ©Jason P. Howe/Oxfam GB Les pays du G20 se sont engagés à soutenir une croissance équitable et durable. Mais de nouvelles données montrent qu’ils ne pourront tenir cette promesse que si d’importants changements se produisent. L’enjeu est de taille : notre analyse, présentée dans ce document, démontre en effet que, si l’on ne tente pas d’enrayer l’accroissement de l’inégalité, une forte croissance économique ne suffira probablement pas à empêcher l’augmentation de la pauvreté au sein de certains pays du G20 au cours des dix années à venir. L’inégalité de revenu est en hausse dans beaucoup de pays à revenu faible et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Dans le même temps, une expansion économique non durable sur le plan environnemental est à la base de changements climatiques dangereux et est en passe d’épuiser les ressources naturelles dont les populations les plus pauvres dépendent le plus pour assurer leur subsistance. Si l’on n’agit pas, l’inégalité empêchera les pauvres de bénéficier des avantages de la croissance, alors même que ce sont eux qui paient le coût de cette expansion, puisqu’ils subissent directement les conséquences de l’évolution du climat et de la dégradation de l’environnement. Le moment est venu pour les pays du G20 de joindre le geste à la parole. Résumé En 2010, les pays du G20 se sont engagés à promouvoir une croissance inclusive et durable. Ils ont également reconnu que « la prospérité doit être partagée pour être maintenue » et ont aussi signifié leur appui à une « croissance verte », qui promet de dissocier expansion économique et dégradation environnementale. Mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir aux pays du G20 pour tenir cet engagement. Ce document évalue leurs résultats à ce jour et indique la manière d’aller de l’avant. L’enjeu est de taille : plus de la moitié des personnes les plus pauvres du monde vivent dans des pays du G20, et le creusement de l’inégalité menace de les empêcher de profiter de la croissance économique. L’inégalité de revenu augmente en effet dans la quasi-totalité des pays du G20, alors même qu’elle baisse dans de nombreux pays à revenu faible et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Parallèlement, les pays du G20 consomment presque toutes les ressources naturelles que la planète est en mesure de renouveler chaque année. Ces schémas non durables d’utilisation des ressources sont à l’origine de changements climatiques dangereux et amenuisent les ressources naturelles dont sont tributaires les personnes pauvres pour assurer leur subsistance. Ainsi, nombre de personnes vivant dans la pauvreté ne profiteront pas des avantages de la croissance, et devront de surcroît payer les coûts de cette expansion économique en subissant les conséquences des changements climatiques et de la dégradation environnementale. Si les pays du G20 veulent assurer un avenir prospère à tous leurs citoyens, ils doivent maintenant joindre le geste à la parole et relever les défis d’égalité et de durabilité, deux concepts liés mais distincts. Inclusivité ? L’inégalité use le tissu social et limite sérieusement les possibilités qu’ont les personnes d’échapper à la pauvreté. Là où l’inégalité de revenu est élevée ou en augmentation, il y a des données claires qui indiquent que la croissance économique a une incidence bien moins marquée sur la pauvreté : une approche basée sur l’effet de « percolation » (trickle-down effect en anglais) n’est pas efficace. De plus, les résultats de recherches récentes indiquent de façon irréfutable que l’inégalité nuit à la croissance économique même. L’inégalité entraîne l’instabilité, empêche l’investissement productif et mine les institutions gouvernementales. Les protestations qui s’élèvent aux quatre coins du monde montrent à quel point les citoyens s’inquiètent de la force corrosive de l’inégalité. Et pourtant, l’inégalité s’accroît dans la plupart des pays du G20. À l’aide d’une nouvelle série de données, nous montrons que seulement quatre pays du G20 – y compris un seul pays à revenu élevé, la Corée du Sud – ont réduit l’inégalité de revenu depuis 1990. À cet égard, le G20 est à la traîne : un grand nombre d’autres pays, y compris des pays à revenu faible et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, ont réduit l’inégalité de revenu en leur sein durant cette période. 2 Notre analyse illustre à quel point cette tendance est dangereuse. En Afrique du Sud, notre modèle prédit que plus d’un million de personnes supplémentaires basculeront dans la pauvreté entre 2010 et 2020 à moins que l’on ne remédie à l’inégalité qui s’y creuse rapidement. Les avantages qui découlent d’une égalité accrue sont tout aussi spectaculaires. Au Brésil et au Mexique, si l’inégalité était réduite au niveau de celle de l’Indonésie (proche du niveau médian du G20), selon nos calculs, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté pourrait être réduit de 90 pour cent en dix ans. Cette analyse se concentre sur l’inégalité de revenu qui, bien qu’importante, n’est qu’une des nombreuses formes d’inégalité. Dans son sens le plus large, l’inégalité prive des pans entiers de la société du droit à être traitées de manière digne et respectueuse. Dans de nombreux pays du G20, la moitié de la population au moins est concernée : la position souvent subordonnée des femmes et des filles se traduit en un accès inférieur à la santé et à l’éducation, des revenus plus bas et une espérance de vie moins importante que les hommes. Durabilité ? Notre vie à tous dépend du capital naturel de la planète – les ressources naturelles que nous utilisons pour produire de la nourriture, de l’eau et de l’énergie. Mais la courbe actuelle de l’utilisation est extrêmement inquiétante. Aucun pays (que ce soit au sein du G20 ou à l’extérieur) n’a pour l’instant démontré qu’il est possible de conjuguer revenus moyens élevés et utilisation durable des ressources naturelles. Cependant, plusieurs pays à revenu intermédiaire sont parvenus à réduire l’intensité de leur consommation en ressources malgré leur croissance économique. Entre 1991 et 2007, le produit intérieur brut (PIB) du Mexique s’est accru quatre fois plus vite que ses émissions de CO2. Celui de la Chine a augmenté deux fois et demie plus rapidement. En revanche, les pays à revenu élevé du G20 ont dans l’ensemble obtenu des résultats très médiocres. Seuls quatre pays du G20 ont réduit leurs émissions de carbone depuis le Sommet de Rio de 1992. Les changements climatiques dangereux et la dégradation de l’environnement qui en résultent ont des conséquences graves, particulièrement pour les populations les plus pauvres. En effet, non seulement ce sont elles qui sont les plus tributaires des ressources naturelles pour assurer leurs moyens de subsistance, mais elles vivent aussi souvent dans des zones à risques, touchées par les changements climatiques de façon disproportionnée. En période de pénurie, ces populations les plus pauvres ne disposent ni des droits ni du pouvoir d’accéder de manière sûre à ces ressources. Le récent rapport d’Oxfam, Terres et pouvoirs, présente en détail des cas d’accaparement de terres qui empêchent des populations pauvres d’y accéder en Ouganda, en Indonésie, au Guatemala, au Honduras et au Sud-Soudan1. Les pays membres du G20 doivent donc impérativement prendre des mesures beaucoup plus fermes pour ramener leur exploitation des ressources naturelles dans des proportions durables. Ceux d’entre eux qui ont un revenu élevé doivent donner l’exemple et montrer qu’une croissance économique durable sur le plan environnemental est possible. 3 Recommandations Vers une croissance inclusive L’analyse présentée dans ce document montre que, si l’on ne remédie pas à cet accroissement de l’inégalité, une forte croissance économique ne suffira probablement pas à empêcher une augmentation considérable de la pauvreté au cours des dix années à venir. Les décideurs doivent par conséquent accorder une plus grande attention à l’inégalité. Si certains signes semblent indiquer que des changements sont possibles, la plupart des pays du G20 ont pris la mauvaise direction. Les paroles doivent s’accompagner de programmes d’orientation complets dans la totalité des pays du G20. La politique exacte à appliquer dépend de chaque contexte national, mais les politiques suivies par les pays en développement qui affichent de bons résultats suggèrent les points de départ suivants : • transferts redistributifs ; • investissement dans l’accès universel à la santé et à l’éducation ; • taxation progressive ; • suppression des barrières à l’égalité des droits et des chances pour les femmes ; • réforme du régime de propriété foncière, garantie d’un accès équitable aux terres et aux autres ressources et investissement dans les petits producteurs alimentaires. L’expérience du Brésil, de la Corée et de nombreux pays à revenu faible et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure montre que la réduction de l’inégalité est à la portée des décideurs du G20. Les leviers politiques ne manquent pas. Ce qui fait défaut jusqu’ici, c’est plutôt la volonté politique. Vers une croissance durable Il ne suffira pas de résoudre l’inégalité pour garantir un avenir prospère pour tous. L’activité économique est en passe d’épuiser les biens naturels de la Terre, y compris la capacité d’absorption du gaz carbonique par l’atmosphère, et les coûts sont encourus de manière disproportionnée par les femmes et les hommes pauvres. La préoccupation la plus immédiate concerne les changements climatiques. Les pays développés se doivent de donner l’exemple et de procéder, de façon beaucoup plus rapide et profonde, à la dissociation absolue de la croissance de leur PIB, d’une part, et de l’utilisation des ressources naturelles, y compris leurs émissions de carbone, d’autre part. Cependant, tous les pays du G20 doivent suivre cet exemple et commencer à intégrer dans leurs décisions économiques l’impact de leurs schémas de production et de consommation sur les ressources, et 4 ce pour une très large gamme de ressources naturelles. Ces réformes devraient s’accompagner de politiques générales qui protègent les communautés, les travailleurs et les consommateurs les plus vulnérables des impacts de cette transition. La Conférence sur le développement durable de Rio +20 pourra constituer l’occasion d’entamer ce processus. La combinaison précise des politiques générales à adopter devrait être adaptée à chaque contexte national, mais elle englobera éventuellement : • • Un investissement dans les biens publics, comme la recherchedéveloppement dans le secteur des énergies propres ; Des réductions d’impôts, des subventions et d’autres mesures incitatives pour orienter les investissements privés vers les domaines où le besoin s’en fait sentir ; La taxation des éléments indésirables, comme les émissions de gaz à effet de serre, pour orienter les activités économiques vers des alternatives plus durables ; Une réglementation visant à empêcher les entreprises de polluer ou à les encourager à fournir des biens et des services qu’elles n’offriraient pas autrement. • • De plus, les pays du G20 doivent faire preuve d’un leadership bien plus affirmé lors des négociations menées pendant la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Ils devraient en particulier : • veiller à ce que les pays développés s’engagent, dans un premier temps, à tenir entièrement leurs plus ambitieuses promesses de réduction des émissions à l’horizon 2020, et à ce qu’ils garantissent que le financement à long terme de cette réduction des émissions soit mobilisé pour aider les pays en développement à mettre en œuvre leurs promesses les plus ambitieuses ; • forger un consensus sur les parts justes des réductions des émissions mondiales requises pour empêcher un réchauffement de la planète de plus de 1,5º C ; • négocier un accord sur des sources nouvelles et fiables de fonds pour la lutte contre les changements climatiques, en particulier un prix juste pour le carbone émis par les transports internationaux, avec un mécanisme de compensation pour les pays en développement, et des taxes sur les transactions financières dans les pays développés. Le G20 a l’occasion de s’établir comme un groupe de pays qui prêchent par l’exemple. Ils se sont engagés à poursuivre une croissance économique inclusive et durable, et ils devraient commencer par tenir eux-mêmes cette promesse. 5 Notes 1 Oxfam (2011) ‘Land and Power’, Oxford: Oxfam. 6 © Oxfam International Janvier 2012 Ce rapport a été écrit par Richard Gower, Caroline Pearce et Kate Raworth. Oxfam tient à remercier Richard King, Antonio Hill, Caroline Green, Eduardo Caceres, Max Lawson et le Dr Paul Segal de leur concours dans le cadre de sa production. Il fait partie d’une série de rapports écrits en vue de contribuer au débat public sur des questions de politique générale en matière de développement et d’assistance humanitaire. Ce document est protégé par droits d'auteur, mais le texte peut être utilisé librement à des fins de plaidoyer campagne, d'éducation et de recherche moyennant mention complète de la source. Le détenteur des droits demande que toute utilisation lui soit notifiée à des fins d'évaluation de l’impact. 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Oxfam Oxfam est une confédération internationale de 15 organisations qui travaillent ensemble dans 98 pays pour trouver des solutions durables à la pauvreté et l'injustice : Oxfam Allemagne (www.oxfam.de), Oxfam Amérique (www.oxfamamerica.org), Oxfam Australie (www.oxfam.org.au), Oxfam-en-Belgique (www.oxfamsol.be), Oxfam Canada (www.oxfam.ca), Oxfam France (www.oxfamfrance.org), Oxfam Grande-Bretagne (www.oxfam.org.uk), Oxfam Hong Kong (www.oxfam.org.hk), Oxfam Inde (www.oxfamindia.org), Intermón Oxfam (Espagne) (www.intermonoxfam.org), Oxfam Irlande (www.oxfamireland.org), Oxfam Mexique (www.oxfammexico.org), Oxfam Nouvelle-Zélande (www.oxfam.org.nz), Oxfam Novib (Pays-Bas) (www.oxfamnovib.nl), Oxfam-Québec (www.oxfam.qc.ca) Les organisations suivantes, actuellement membres observateurs d'Oxfam, sont engagées en vue d’une affiliation complète : Oxfam Japon (www.oxfam.jp) Oxfam Italie (www.oxfamitalia.org) N'hésitez pas à écrire aux organisations répertoriées ci-dessus pour toute information complémentaire, ou rendez-vous sur www.oxfam.org E-mail : advocacy@oxfaminternational.org www.oxfam.org